Livres
Voilà neuf ans que je photographie le même endroit pendant une semaine en été. Il s’agit d’une petite plage coincée entre la route et la mer. Chaque année j’assiste à la même représentation théâtrale dont je ne me lasse pas. Lever de rideau : installation des parasols, agencement des serviettes, étalage de crème solaire. Bronzette. Allers-retours entre l’eau et le sable. Rinçage sous la douche. Pause sandwich-frites-glace. Puis re-bronzette, re-baignade, re-rinçage jusqu’à disparition du soleil. Demain, après-demain, même rituel. J’aime me trouver là. Chair parmi la chair. Dans la vérité des corps et parmi ces gens que je prends plaisir à retrouver. Gros, sveltes, bronzés, pas bronzés, jeunes, vieux, tous à égalité. Au ras du sol. Loin des images retouchées qu’on trouve dans les magazines.
« La guerre… de Troyes n’a jamais eu lieu ! Dans les années 90, l’usine « Fra-For », fleuron de la bonneterie française dans la région champenoise, n’a pas mené de combat épique pour rentrer dans l’odyssée des entreprises nationales tels les trois cents employés de Lip pour sauver leur emploi.
Le vide occupe seul les locaux. Les voix se sont tues et l’écho de leurs pas meuble l’absence de bruits dans les 3000 mètres carrés désertés. Seules quelques chaises égarées parmi les débris de placo, de vitres brisées, habitent l’espace déserté depuis 1999. Dans les bureaux, aux portes parfois déglinguées, une serviette ou un pan de rideau brassé autour d’une poignée de fenêtre rappellent le bon temps.
Extrait de la préface d’Alain Mingam, photojournaliste et commissaire d’exposition.
Livre réalisé avec Jean-Christophe Béchet.